Les ambitions d'Alger au Sahel et sa puissance navale inquiète Paris et Washington

De nouveaux potentiels pour l'Algérie et ses ambitions stratégiques dans la région inquiètent Paris et Washington

L'Algérie a plus que doublé son budget de la défense pour 2023 par rapport à l'année en cours, à plus de 22 milliards de dollars, selon le projet de loi de finances approuvé par le Parlement.

Le budget a alloué environ 3186 milliards de dinars (plus de 22 milliards de dollars) aux dépenses de défense l'année prochaine, selon le projet de loi approuvé par l'Assemblée populaire nationale, contre 1300 milliards de dinars (plus de 9 milliards de dollars) dans le budget de l'année en cours.

L'Algérie a alloué dans le projet de loi de finances pour la nouvelle année 2023, qu'elle a transmis aux parlementaires, le budget le plus important de son histoire pour le ministère de la Défense depuis son indépendance, puisqu'il a doublé de près de 3 fois, par rapport à l'année dernière.

Dans l'avant-projet de loi de finances du Nouvel An, qui a été remis aux parlementaires pour examen avant d'être débattu le mois prochain, l'Algérie a alloué près de 23 milliards de dollars au budget de la défense.

Le budget était divisé en trois parties : la défense nationale (9 milliards de dollars), la logistique et le soutien multiforme (5 milliards de dollars) et la Direction générale (8,5 milliards de dollars).

Le chiffre le plus élevé atteint par le budget de la défense en Algérie était de 13 milliards de dollars en 2015, et les dépenses militaires algériennes au cours de la dernière décennie ont oscillé entre 8 et 13 milliards de dollars.

L'Algérie se classe au 23e rang mondial et au troisième rang du monde arabe, après l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, en termes de dépenses militaires, selon le classement américain Global Fire Power pour 2022, et elle devrait se hisser au 15e rang mondial dans le classement 2023 après avoir augmenté le budget de 120 %. Et selon nos propres estimation, l’armée algérienne se classe dorénavant et incontestablement comme la 2^ème puissance du Monde Arabe et d’Afrique, après l’Égypte.

Nouveaux potentiels et ambitions stratégiques

Selon ce qui était stipulé dans la loi de finances en Algérie pour l'année 2013, les 23 milliards de dollars pour la défense ont été divisés en trois sections, qui sont la défense, la logistique et le soutien multiforme.

Le propriétaire du site Web Mina Défense, spécialisé dans les affaires militaires, a déclaré qu'une partie du budget de l'armée sera d'abord consacrée à la résolution des problèmes sociaux des retraités de l'armée et des ayants droit, qui préoccupent l'establishment militaire.

Quant au deuxième volet, il est lié au changement de stratégie de l'Algérie dans la région du Sahel, car elle peut y intervenir avec un soutien logistique à la demande de certains pays, de l'Union africaine ou des Nations unies.

Il est à noter que l'Algérie avait ajouté un nouvel article dans la constitution, permettant à l'armée d'être envoyée hors des frontières, pour participer aux missions de maintien de la paix après l'approbation du Parlement à la majorité des deux tiers.

En ce qui concerne le troisième volet, il a pour but, selon la même source, de renouveler les équipements et de moderniser l'armée à la lumière des développements de la guerre russo-ukrainienne

Il est à noter que le Trésor algérien a bénéficié d'énormes fonds en raison de la hausse des prix du pétrole et du gaz dans le monde, à la suite de la guerre russo-ukrainienne, car le gouvernement s'attendait à générer environ 50 milliards de dollars cette année grâce aux revenus du pétrole et du gaz.

Priorité des secrets militaires sur l'administration de l'État

Bien que les dépenses militaires soient incluses dans le budget général de l'État et que leur montant soit connu en Algérie, il s'agit d'un secret défense et ses détails ne peuvent être discutés publiquement ou secrètement en Algérie.

Les dotations du ministère de la Défense sont inscrites dans la loi de finances, et elles se taillent toujours la part du lion, à environ 20 % du budget total.

Malgré la tentative de certains blocs d'opposition d'essayer de discuter du budget de la défense au cours des dernières années, ces tentatives ont échoué, malgré l'existence d'une commission spéciale de la défense au sein du parlement algérien.

Pour fermer la porte aux tentatives répétées de discuter du budget de l'armée, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a publié le 14 septembre un décret présidentiel interdisant le débat parlementaire sur les questions liées à la défense et à la diplomatie, car ce sont des secrets d'État.

L'inquiétude française face à la montée en puissance de l'Algérie

Paris a toujours exprimé son inquiétude face à l'armement algérien, et cela s'est manifesté à travers les critiques adressées par les médias français et les interrogations sur les objectifs de ces importantes dépenses.

Les préoccupations françaises sont justes à mon avis et selon mon analyse, et cela est logique pour trois considérations principales

D'abord, l'armée algérienne n'a pas caché sa volonté d'étendre son champ d'action au Sahel, et une loi constitutionnelle a été promulguée à cet effet. N'oublions pas que la France considère cette région comme faisant partie de son rayonnement politique et économique et l'utilise comme théâtre de ses opérations

Deuxièmement, l'armée algérienne continue d'acquérir les dernières technologies et systèmes qu'elle peut obtenir, et renforce ses défenses terrestres, côtières et aériennes contre toute intrusion, ce qui réduit la supériorité technologique relative des pays européens voisins.

Troisièmement, l'Algérie n'a pas négligé la formation d'une flotte navale solide avec une défense côtière, des sous-marins, des porte-Hélicos et un grand nombre de frégates et de bateaux lance-missiles. Les pays européens, notamment ceux riverains de la Méditerranée, n'ont pas oublié la gloire maritime passée de l'Algérie et de ses flottes qui ont restreint les mouvements des marines européennes pendant des siècles.

Paris n’est pas la seule à exprimer indirectement ses inquiétudes, la Maison Blanche n’apprécie pas cette montée en puissance. Les USA ont tout récemment encore essayé d’empêcher la vente à l’Algérie de drones pakistanais d’observation et d’attaque Shahpar, équipé de missiles sol-air à guidage laser Barq. Ces missiles d’un poids de 60kg ont une portée variante de 8 à 16 km.

Apparemment, la Maison Blanche n’a pas pu empêcher Pékin de fournir tout récemment des systèmes de défense côtière CM-302 selon la nomenclature de l’Otan ou YJ-12B « L’Attaque Du Faucon » en chinois et qui sont considérés comme les meilleurs au monde et ont été préférés par Alger aux systèmes Bastion-B russes. Ces missiles anti-navires sont 4 fois plus rapide que le son et il est presque impossible de les intercepter. Ces missiles chinois ont une portée de 1200 km et peuvent détruire même un porte-avions dans ce rayon d’action. Ils peuvent traquer la cible grâce à un autodirecteur infra-rouge ou un guidage par son radar millimétrique, ce qui les rend précis et difficiles à brouiller.

Voici, le témoignage du député français, Phillipe Michel-Kleisbauer devant la Commission De La Défense, où il a exprimé indirectement certaines inquiétudes en évoquant la qualité et le potentiel de la Marine Algérienne.

Vous l’avez dit aussi, Président … sur la marine… là, ceux qu’on avait auditionné, m’ont fait état d’une marine d’une qualité professionnelle… euh … qui mérite le respect, qui force le respect et qui prouve que l’Algérie a des capacités militaires très importante. Ceux qu’on avait auditionné nous l’ont dit. Les exercices conjointa qui ont été fait entre la France et l’Algérie, avant que certaines tensions ne naissent, ont permis de restituer un retour d’expérience, sur un niveau de qualification très nettement supérieur. Et ce qui se passe au niveau de la course à l’armement entre ces deux pays qui ont les relations les plus tendues, à savoir le Maroc et l’Algérie, montre quand même un grand déséquilibre. Avec une Algérie qui est une grande puissance et un Maroc qui malgré tous les efforts que l’on voit, n’arriverait pas là où l’Algérie est aujourd’hui.